Abstract
Le caractère fragmentaire de la transmission de l’œuvre anti-chrétienne de Porphyre contraste fortement avec son énorme importance, qu’on peut déduire non seulement du nombre des réfutations chrétiennes (toutes perdues aujourd’hui), mais aussi des mesures que les Empereurs chrétiens à partir de Constantin ont trouvé nécessaires de prendre pour faire disparaître les critiques porphyriennes jugées extrêmement dangereuses pour le christianisme. Ces mesures se sont montrées efficaces, parce que nous ne savons aujourd’hui presque rien du contenu de ce traité monumental (15 livres).
Un témoignage jusqu’ici négligé dans la recherche porphyrienne se cache dans une homélie de Jean Chrysostome sur les versets 1,28–34 du prologue de St. Jean. À la fin d’une diatribe contre le manque d’engagement de la part des chrétiens de la haute société d’Antioche – qui, d’après Jean Chrysostome, préfèrent défendre leur danseur, aurige ou bestiarius bien-aimés dans les joutes oratoires au lieu de s’investir dans le combat intellectuel contre les attaques des païens (attaques énumérées par Chrysostome) –, il ajoute avec une certaine emphase qu’au cas où le public aurait beaucoup de loisir, il serait prêt à faire paraître aux yeux de tous « un livre composé contre nous d’un honteux philosophe païen, et aussi celui d’un autre plus vieux que le premier ». Comme Celse et Porphyre sont nommés explicitement ensemble dans un autre passage de Chrysostome, où la différence temporelle est à nouveau soulignée, l’hypothèse selon laquelle Chrysostome fait allusion à Porphyre et Celse en parlant d’« un honteux philosophe païen et… d’un autre…plus vieux que le premier » est fort probable.
Dans l’affirmative, on peut supposer que parmi les arguments antichrétiens présentés par Chrysostome dans cette homélie, les points suivants devaient aussi figurer dans le traité de Porphyre : une certaine altercation avec la doctrine chrétienne de la trinité ; le rapport entre trinité et polythéisme ; la polémique à propos de la résurrection chrétienne ; la preuve des vaticinia ex eventu étendue au NT (entre autres la destruction du temple) ; un reproche général de plásmata, en particulier vis-à-vis des 'miracles' de Jésus et des apôtres.