Abstract
Cet article examine les différentes manières à partir desquelles les érudits de la fin du Moyen Âge ont mobilisé les conceptualisations du droit canonique de la parenté pour visualiser et comprendre la parenté de manière plus large. Une attention particulière est portée au diagramme de l’arbor consanguinitatis, qui a été à l’origine développé pour définir les types de relations relevant des prohibitions matrimoniales ecclésiastiques. Mais à la fin du Moyen Âge, l’arbor consanguinitatis était utilisé notamment pour tenter de comprendre la parenté comme un élément de l’organisation de la société ou des pratiques généalogiques. Une branche importante de la recherche sur la parenté historique, dans la tradition de Jack Goody et de Claude Lévi-Strauss, considérait que les conceptualisations du droit canonique catholique de la parenté constituaient un obstacle aux conceptions androcentriques, et favorisait les formes « faibles » de l’organisation de la parenté et, de ce fait, contribuaient à conférer à l’Occident et à son individualisme une position d’exception. En revanche, cet article soutient que les conceptualisations androcentriques, et en particulier celles patrilinéaires, se sont développées en s’appuyant sur le droit canonique, lequel a été largement impliqué dans leur émergence et leur transformation.
The article examines some ways in which scholars of the late Middle Ages used canon law conceptualizations of kinship to visualize and understand kinship more broadly. A particular focus is on the diagram of the arbor consanguinitatis. The latter had originally been developed to define which kin relations fell under ecclesiastic marriage prohibitions. But in the course of the later Middle Ages it was among other things used in attempts to understand kinship as an element in the organization of society or in genealogical practices. An important branch of historical kinship research in the tradition of Jack Goody and Claude Lévi-Strauss used to assume that catholic canon law conceptualizations of kinship stood in the way of androcentric conceptions, favored weak forms of kinship organization and thus contributed to the uniqueness of the West and its individualism. In contrast, the article argues that important androcentric conceptualizations, in particular patrilinear ones, developed not only despite canon law, but that canon law was involved in their emergence and transformation.